M. le président
M. le Ministre,
M. le rapporteur,
Mes chers collègues,
Les sociétés humaines préfèrent toujours célébrer les évènements qui sont à leur gloire. Et notre pays a mis du temps à reconnaître, sur la Commune, comme sur d’autres sujets, cette part de son Histoire faite de souffrances,et de désolation.
Ainsi cette révolte du peuple de Paris écrasée et réprimée sans pitié –fut exécutée, selon le mot terrible d’Adolphe Thiers dans le discours qu’il a tenu ici même, dans cet hémicycle, le 22 mai 1871, en vue d’une « expiation complète » des fautes commises par les Communards.
Qui composait le peuple de Paris révolté? Des ouvriers du bâtiment, des journaliers, des travailleurs du métal, des ouvriers d’ateliers ou de petites fabriques, des cordonniers-savetiers, des marchands de vin et des ouvriers du livre. Ces soulèvements ont lieu à Montmartre, à Belleville, à Ménilmontant.
La commune de Paris en 1871 trouve sa source dans un élan républicain sans pareil, se référant à la Première République et au Gouvernement révolutionnaire de la Commune de 1792.
Souvenons- nous :
En juillet 1870, Napoléon III entreprend contre la Prusse une guerre mal préparée, qui conduit rapidement la France à la défaite. Le 4 septembre 1870, à la suite d’une journée d’émeutes parisiennes, l’Empire est renversé. Un gouvernement de défense nationale s’installe à l’Hôtel de Ville de Paris, officiellement pour poursuivre la guerre contre les Etats allemands, mais plus sûrement pour signer la capitulation et faire accepter la défaite aux Français.
Le peuple de Paris qui a connu une grave famine au cours de l’hiver 1870-1871, refuse de se soumettre à Bismarck, lui qui a perdu tant des siens pour défendre la patrie menacée. Il considère comme une insulte et une honte la reconnaissance d’une défaite que rien n’imposait selon lui. Les principaux journaux de gauche sont alors interdits, notamment Le Cri du Peuple de Jules Vallès. Les royalistes de l’Assemblée, le 10 mars, quittent Paris pour Versailles, mettent fin au moratoire sur les effets du commerce, acculant à la faillite des milliers d’artisans et de commerçants, et suppriment la solde d’un franc cinquante par jour payée aux gardes nationaux. Paris est alors composé de près d’un demi-million d’ouvriers, désormais concentrés et parqués dans les quartiers Est de Paris suite aux transformations urbanistiques du Second Empire.
Au cours de la Semaine Sanglante, entre le 21 mai et le 28 mai 1871, les troupes versaillaises ont massacré entre 10.000. et 20.000. Parisiens. A l’issue de la défaite de la Commune, plus de 43.000 personnes furent parquées, notamment au camp de Satory, dans des forts, des pontons portuaires et dans les maisons d’arrêt de Versailles.
Aux milliers de massacrés s’ajoutèrent plus de 3.000 condamnations à la déportation en enceinte fortifiée.
Pour un certain nombre de communards, la déportation eut lieu aux antipodes ,en Nouvelle Calédonie.
Si le 11 juillet 1880, la République prononça une loi d’amnistie générale pour les victimes de la Commune, elle coulait surtout par là une chape de plomb sur des évènements dont les acteurs étaient encore vivants.
Mais,pour les habitants de l’est parisien dont je fais partie, la Commune n’est pas morte, et chaque année, nous allons au Mur des Fédérés, pour évoquer leur souvenir, leur fin tragique avec les dernières barricades, mais aussi l’œuvre réalisée par la Commune en peu de temps dont la modernité nous surprend toujours.
Personnellement, ce qui me touche dans cette déportation, c’est la rencontre improbable qui a eu lieu entre deux sortes de victimes de l’histoire, les communards d’une part, et les kanaks depuis peu aux prises avec la colonisation. Si la plupart des Communards ont surtout été obnubilés par le désir de regagner leurs repères, l’une d’entre eux, Louise Michel, la vierge rouge , s’est passionnée pour les enfants pour qui elle a ouvert une école, a collationné les légendes locales , et compris le drame qui se jouait dans cette grande ile, notamment lors de la révolte de 1878. Le souvenir des communards n’est donc pas seulement au Mur des Fédérés, ou au cimetière qui leur est consacré à l’ Ile des Pins, il est aussi dans les écrits de Louise Michel sur la culture canaque.
La résolution, proposée par notre collègue Patrick Bloche , n’est pas une loi mémorielle. Cette résolution est la voie pour ne pas oublier les Communard suppliciés et martyrisés. C’est une démarche honorable pour ceux que nous refusons, par l’oubli ou le désintérêt, de laisser mourir une seconde fois.
« La lucidité », écrivait le poète et résistant René Char, « est la blessure la plus proche du soleil. »
Nous devons faire en sorte que cette mémoire devienne un bien commun , un patrimoine de vigilance pour nous tous et ainsi une manière de nous rapprocher du soleil.