M. le Président,
Mme la Ministre, mes chers collègues,
Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous examinons aujourd’hui me semble un des plus importants car il s’agit de l’avenir que nous préparons pour notre jeunesse et donc pour notre pays. Comme le disait à peu près Hannah Arendt, toute la difficulté avec l’éducation c’est d’aimer assez nos jeunes pour ne pas les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, mais les préparer à renouveler un monde commun, donc les préparer à quelque chose que nous ne pouvons guère prévoir.
Notre groupe ne met pas en cause vos bonnes intentions et reconnait que les crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur sont en hausse.
Mais quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que l’essentiel des hausses sont la conséquence des mesures votées ou des engagements pris précédemment. Or, tenant compte de l’effet conjoncturel de la croissance démographique, le Gouvernement attend 28000 étudiants supplémentaires entre 2017 et 2018, soit 350 000 étudiants d’ici à2025, d’après les dernières projections. Or, pour 40 000 étudiants supplémentaires, l’enveloppe devrait être de 280 M€.Le gouvernement avait prévu 175M€ en raison de l’augmentation de la démographie étudiante, aurait dû être affectée au fonctionnement des établissements. Or, la part qui revient aux opérateurs n’est que de 128,8 M€.
Par ailleurs, on ne voit pas inclus les crédits nécessaires pour compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires.
Nous pensons que ce budget n’est pas suffisant pour répondre aux enjeux du développement de l’enseignement supérieur dans notre pays et à l’amélioration des conditions de vie et d’étude des étudiants , ce d’autant qu’à ma connaissance il s’agit d’un objectif affiché comme prioritaire par le président de la République.
On ne voit guère la traduction budgétaire du Plan étudiant que vous avez défendu devant la presse récemment qui évoquait un milliard d’euros réparti sur le quinquennat, dont 500 millions d’euros supplémentaires pour accompagner la réforme et 450 millions d’euros issus du Grand Plan d’investissement (GPI) .Logiquement une partie des crédits ne figure pas dans ce budget, mais un amorçage au moins devrait s’y trouver.
Sur l’accès à l’université, devenu problématique en raison de l’afflux de jeunes, le fait de supprimer le tirage au sort pratiqué depuis longtemps dans de nombreuses universités, qui n’est pas un un système satisfaisant, nous convient.Mais,l’introduction progressive de quotas d’étudiants boursiers dans chaque structure est-elle suffisante pour éviter que les universités les plus réputées ne soient portées à choisir les meilleurs candidats ?
Nous partageons votre priorité de réduire l’échec en première année de licence, et passer, selon vos mots, « du supérieur pour tous à la réussite pour chacun ». En effet, seuls 27% des étudiants décrochent leur licence en trois ans et 39% en quatre ans, tandis que les 61% restants abandonnent ou se réorientent . Ce taux d’échec est plus élevé encore pour les bacheliers technologiques et professionnels, qui ne sont respectivement que 7% et 2% à valider leur licence en trois ans.
Nous ne trouvons pas dans votre budget notamment la réponse à la principale cause d’engorgement des universités que nous connaissons tous :les bacheliers généraux cherchent en IUT un encadrement qu’ils considèrent ne pas trouver en licence ; mais en cela ils prennent les places de leurs condisciples des voies technologiques, ou professionnels. La demande s’est élevée de manière très importante pour les IUT.Il y a 116 000 étudiants inscrite en IUT soit 4,47% des étudiants alors qu’il y a eu 857 000 candidatures .Il conviendrait donc de prévoir une augmentation sensible. Au-delà du flou sur la répartition des places, notamment pour les IUT, c’est le plafond lui-même qui semble être sous-estimé au regard des prévisions.
J’en viens à la recherche. La question qui se pose à la France est de savoir si sa recherche va pouvoir se maintenir au niveau ou si elle va décrocher. Le budget de la recherche française a été « maintenu » depuis dix ans quand celui de l’Allemagne a augmenté de 75 %.Cette année, il stagne à nouveau. Si l’une des priorités du Gouvernement réside dans l’innovation, celle-ci naît des progrès de la recherche et des travaux de nos chercheurs. Les investissements dans la recherche aujourd’hui engendrent les richesses, les réussites et les Prix Nobel de demain, leviers d’influence française.
Par ailleurs, la question des carrières est prioritaire car la précarité et l’absence de perspectives font fuir nos doctorants.Il faut notamment revaloriser le taux du Crédit Impôt Recherche pour les entreprises qui embauchent des docteurs et appliquer la loi de 2013 qui impose de réserver des places aux doctorants dans les concours.
Votre budget ne permettra pas de développer suffisamment ce dont notre pays a tant besoin : le potentiel scientifique d’aujourd’hui et de demain. Il ne nous semble pas à la hauteur des besoins, aussi à notre regret, notre groupe ne pourra le voter.