Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Nous arrivons au terme de l’examen attentif d’un texte controversé et passionnant à de nombreux égards, au vu des sujets traités et leur importance pour l’avenir de nos enfants.
A l’issue d’une commission mixte paritaire de mardi dernier où nous avons constaté le consensus entre nos collègues Républicains et ceux de La République En Marche ; le texte a fait l’objet d’un accord. Nos collègues se sont entendus pour limiter des ajouts inacceptables effectués par le Sénat, notamment la possibilité donnée aux établissements d’enseignement supérieur de fixer un tarif spécifique de droits d’inscription pour les étudiants étrangers. Elle a également fortement atténué la proposition aberrante des sénateurs de durcir les conditions d’assiduité pour les candidats boursiers, lui préférant un rappel des règles déjà existantes en la matière.
Le projet de loi prévoit que, dans le cas où les candidats n’auraient pas reçu de proposition, le recteur de l’académie puisse les inscrire dans une formation proche de leurs vœux initiaux. Afin de défendre l’autonomie des établissements, les sénateurs proposaient que les présidents d’université puissent mettre un veto à cette affectation. Cette proposition est supprimée au profit d’une « obligation pour le recteur de respecter les capacités d’accueil des formations, pour ne pas affecter des candidats dans des filières qui seraient déjà tendues ». Les établissements auront par ailleurs la possibilité de proposer des formations alternatives à celle suggérées par le recteur, et pourront conditionner l’inscription du candidat au suivi d’un parcours de renforcement ; ce que prévoit la nouvelle procédure normale d’affectation.
C’est sur la définition du nombre de places en fonction des résultats des étudiants et des débouchés, votée par les sénateurs la semaine dernière, que les discussions ont été les plus intenses. Là où le texte sénatorial expliquait que « la modification des capacités d’accueil prend en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelles observés pour chacune des formations », celui qui ressort de la CMP est plus consensuel, plus large et plus flou. Il dit que « pour déterminer les capacités d’accueil, l’autorité académique tient compte des perspectives d’insertion professionnelle des formations, de l’évolution des projets de formations exprimés par les candidats ainsi que du projet de formation et de recherche de l’établissement ».
Est donc introduite une forme d’adéquationnisme puisque pour autoriser l’inscription à un cursus, on recourt à ses résultats en matière d’insertion professionnelle.
Et en attendant nos étudiants continuent de s’inquiéter de cette nouvelle sélection qui ne dit pas son nom. Par un subtil exercice de sémantique, vous affirmez que les « attendus » revêtent un caractère purement informatif et ne constituent pas des critères de sélection, car lorsqu’on ne dit pas « non », on ne sélectionne pas. Pourtant, lorsque des bacheliers seront placés sur d’interminables listes d’attentes, in fine, ils n’intégreront pas la filière qu’ils ont choisi, par manque de place. Alors que nous attendons 40 000 nouveaux étudiants l’année prochaine, vous proposez la création de 22 000 places supplémentaires. Au lieu d’accompagner l’élan de notre jeunesse, vous instaurez la concurrence entre les établissements et entre les étudiants. .
Nos étudiants redoutent une entrave à l’égalité d’accès au savoir. Le tirage au sort était contraire à ce principe, il n’était pas acceptable, et il fallait y mettre un terme. Mais il aurait suffi d’introduire une commission suite au tri fait par APB pour corriger par une intervention humaine les résultats produits par la Plateforme. Or, vous êtes en train de modifier la Plateforme sans que nous sachions les nouveaux critères introduits dans la machine.
Les organisations syndicales enseignantes et étudiantes nous ont fait part de leur émoi, face à ce véritable changement de paradigme, contraire au fondement de notre pacte républicain : hier, les bacheliers choisissaient leur université ; demain, ce seront les universités qui choisiront leurs bacheliers. Les attendus fixés au niveau national pourront être déclinés localement. Ainsi, pour départager des dossiers similaires, certains établissements pourront voir comme un atout de présenter une lettre de recommandation d’un avocat pour intégrer une filière juridique ; d’autres valoriseront les séjours à l’étranger ; et certains profils atypiques qui ne rentrent pas dans le moule risquent de ne plus trouver leur place.
Ces inquiétudes, nous les comprenons et nous les portons à votre connaissance, depuis des semaines. Pourtant, encore une fois, votre Gouvernement semble les dédaigner. Pis encore, il fait fi du rôle du Parlement, puisque la plateforme ParcourSup a d’ores et déjà été mise en place et que 400 000 étudiants y sont déjà inscrits, alors même que ce texte n’a pas encore été adopté par les deux chambres.
Dans ces conditions, mes collègues socialistes et moi-même voterons contre le présent texte qui se moque de leur avis, qui ne prend pas en compte les élèves les plus fragiles et donc pour nous ne va pas dans le sens de l’intérêt général.
Je vous remercie.