L’Assemblée nationale a adopté, le mardi 5 février, la proposition de loi « anticasseurs », issue de la droite sénatoriale et remaniée par la majorité, visant à prévenir les violences dans les manifestations en France. Déjà approuvé par les sénateurs, le texte a été validé par 387 voix contre 92.
Manifester est une liberté fondamentale et constitutionnelle. Ce texte fut présenté comme visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs. L’article 1er, qui vise à conférer à l’autorité administrative le pouvoir d’autoriser les forces de sécurité intérieure à procéder à des palpations de sécurité ainsi qu’à un contrôle des effets personnels à l’entrée et dans le périmètre d’une manifestation, supposera une mobilisation très forte et continue des forces de sécurité.
L’article 2 prévoit la possibilité de prononcer, à l’encontre des individus susceptibles de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, des interdictions administratives de manifester personnelles assorties, le cas échéant, d’obligations de pointage dans un commissariat ou une gendarmerie : il s’agit d’un véritable contrôle administratif du droit de manifester. Ma collègue au groupe Socialistes et apparentés Marietta Karamanli a rappelé qu’une telle disposition fait basculer cette loi non pas dans le champ des textes de justice, mais dans un dispositif de police. Elle met en cause le droit individuel et collectif de manifester, sans que son application soit garantie par le juge judiciaire. Cette mesure administrative relevait de l’état d’urgence ; elle entre désormais dans le droit commun.
L’interdiction de manifester existe dans notre législation, elle est prévue par un article du code de la sécurité intérieure. Une telle interdiction devrait relever exclusivement d’une décision de justice, et son non-respect devrait constituer un délit désormais elle pourra être décidée par le préfet, sans le contrôle d’un juge, sur des fondements aussi vastes qu’imprécis. Le risque d’arbitraire se trouve renforcé.
Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence qui ont émaillé les manifestations de ces dernières semaines, mais cette proposition de loi est à la fois inutile et dangereuse pour les libertés publiques. Je regrette son adoption.