Madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues.
L’enseignement supérieur est un chemin vers le développement personnel et la réalisation des ambitions individuelles. C’est la raison pour laquelle il doit toujours tendre à susciter la créativité et la curiosité. Mais l’intérêt de la nation est aussi d’avoir un maximum de jeunes armés de connaissances et de compétences solides ; donc de tout faire pour les amener au plus haut niveau possible.
Le projet de loi sur l’orientation et la réussite des étudiants discuté à l’Assemblée durant deux jours du 12 au 14 décembre a l’ambition de s’attaquer à ce problème d’une importance capitale : réussir l’orientation et le suivi des jeunes en licence pour permettre à chacun de trouver sa place, éviter les taux considérables d’échec, ou de décrochages constatés en première année.
Cette loi est la partie législative du plan étudiant plus vaste qui a été présenté par vous, Mme la ministre, en octobre.
En principe l’accès à l’université est ouvert à tous les titulaires d’un baccalauréat. Cette règle réaffirmée dans le code de l’Education est remplacée ici par celle selon laquelle les bacheliers sont admis à l’université où ils postulent, seulement dans la mesure des places disponibles. Par ailleurs si le profil du candidat parait fragile il peut se voir répondre oui de manière conditionnelle, c’est-à-dire se voir prescrire des modules de remise à niveau ou un accompagnement spécifique.
Enfin, dans les filières en tension, c’est-à-dire là où le nombre de candidats est supérieur aux places disponibles, l’université retiendra la candidature des jeunes qui par leurs résultats précédents, par leur profil, lui semble plus apte à réussir dans la licence choisie.
Cette réforme peut paraitre frappée au coin du bon sens, dans la mesure ou dès la mandature précédente, en raison de l’afflux de jeunes souhaitant entrer dans l’enseignement supérieur, la question était posée de la procédure à suivre pour éviter qu’ils se reportent massivement sur quatre licences comme Droit, Psychologie, Staps ou Sociologie. La réflexion sur l’organisation d’un continuum bac-3, bac +3 correspond aussi à cette nécessité qu’il y ait une cohérence dans l’organisation du parcours du jeune.
Par ailleurs, il est certain que l’importance déterminante donnée pour l’affectation du candidat à l’enseignement supérieur à APB, c’est-à-dire un système d’appariement automatique entre les souhaits des candidats et les places disponibles, voire en cas d’égalité à un tirage au sort, n’était plus guère acceptable.
Non seulement les étudiants et leurs familles se lamentaient de ne pouvoir obtenir d’affectation conforme à leurs souhaits, voire pas d’affectation du tout, et de surcroit, la Cour des Comptes et la CNIL avaient mis en demeure le ministère de réintroduire de l’humain dans le processus d’affectation, ainsi que de faire la transparence sur les algorithmes utilisés.
Certes, nombre de licences ou d’établissements pratiquent la sélection mais pour les autres licences, l’accès était en principe libre même si l’afflux d’étudiants ces derniers temps le rendait aléatoire.
La nouvelle règle introduit clairement la sélection entre les étudiants même si le mot est évité.
Nous avons apprécié votre ouverture sur certains points comme l’élargissement de la mesure expérimentée précédemment qui accorde aux meilleurs bacheliers un accès prioritaire à toutes les formations de leur choix. Nous avons apprécié aussi que vous ayez approuvé notre amendement proposant un quota minimum de lycéens boursiers dans les filières sélectives.
Notons aussi positivement l’entrée au CA de la CNAMTS d’associations étudiantes, maintenant que les mutuelles ne gèreront plus le régime des étudiants.
Mais le contour exact des pré requis, encore appelés attendus, est toujours très flou. Les débats n’ont pas permis de préciser ce point essentiel ni surtout comment allaient s’articuler les prescriptions nationales qui sont publiées avec des prescriptions particulières à telle ou telle faculté.
Nos débats ont surtout fait apparaitre de nombreux points qui ne sont pas encore tranchés ou qui feront l’objet de procédures ou de financements encore imprécises à l’heure actuelle alors que le sort réservé aux étudiants surtout les plus fragiles en dépend.
Sur le fonctionnement exact de Parcours Sup , nous restons sur notre faim. Nous comprenons que ce ne sera pas APB, mais quel algorithme, quel système de tri exact, ? faut-il vraiment croire que seront examinés manuellement les 10 choix de centaines de milliers de bacheliers souhaitant entrer en faculté ?
Nous n’avons aussi qu’une vision très incertaine du sort du jeune à qui l’accès aux facultés de son choix aura été refusé.
Qu’elle sera la procédure pour cette session de rattrapage, quel type de formation pourra lui être proposée, quelle aide s’il doit changer d’académie pour suivre la licence de son choix, comment garantir aux étudiants d’une académie qu’ ils ne seront pas évincés par l’arrivée de jeunes venant d’ailleurs, autant d’inquiétudes qu’on entend s’exprimer de voir creuser les inégalités entre facultés et entre étudiants, les plus modestes étant à nouveau plus les plus menacés
Introduire de l’humain oui c’était nécessaire mais quelles gratifications sont prévues pour les enseignants, notamment le 2e professeur principal à qui sera confiée l’orientation dans le secondaire ou l’enseignant du supérieur qui accompagnera l’étudiant admis au conditionnel.
Nous voyons bien que le point essentiel sera la formation des enseignants à ces logiques d’orientation, à une meilleure connaissance de la vie économique,alors que les conseillers d’orientation semblent définitivement hors jeu .
Il faut encourager des mobilités, temporaires et réversibles, permettant aux enseignants certifiés et, en particulier, agrégés d’enseigner dans le premier cycle des universités et aux enseignants-chercheurs d’enseigner dans les lycées. Il faut renforcer les liens entre lycées et enseignement supérieur.
L’essentiel ,hormis les principes posés , n’est pas dans le texte et dans la discussion qui a eu lieu à l’Assemblée.
Beaucoup de zones d’ombre donc subsistent sur cette évolution très significative de notre système. Sans mettre en cause votre bonne volonté ou vos bonnes intentions, on peut demeurer sceptique sur la faisabilité de ce changement à marches forcées puisque la réforme commence à être mise en œuvre avant d’avoir été votée, et que nous n’avons pas d’éléments suffisants pour savoir comment vous allez vous y prendre.
Voter en l’état serait vous donner un blanc seing, aussi vous comprendrez que ce n’est pas possible. Le groupe Nouvelle Gauche votera donc contre ce projet.
Je vous remercie.