Le 6 décembre dernier était organisée à Paris une journée d’échanges avec les responsables d’Aides, Jean Luc Romero, des parlemenaires spécialistes de la santé comme Jean Louis Touraine, l’adjoint à la Maire de Paris, Bernard Jomier, la représentante du Défenseur des Droits.

Il est peu de sujets où la parole politique doive s’avancer avec plus de gravité, d’humilité et de circonspection. Avant d’être un virus, le sida est une maladie intime, qui confronte les sujets qui en sont atteint à l’expérience la plus douloureuse et la plus traumatique qui soit.

Lorsque le diagnostic est annoncé au patient, son existence comme celle de ses proches se trouve bouleversée. Apprendre sa séropositivité est une épreuve individuelle et collective, personnelle et familiale, physique et psychologique. En plus de l’affaiblissement, de l’angoisse, c’est hélas souvent à la solitude et au rejet que ces personnes sont le plus souvent confrontées.

L’action de la France en matière de lutte contre le sida a depuis plus de vingt ans fait d’indéniables progrès, grâce à la mobilisation des médecins, des professionnels, des associations, des élus. Mais si beaucoup de chemin a été parcouru au cours de ces dernières décennies, les derniers rapports font état de ce que la maladie ne régresse plus en France depuis 2007 , comme l’a révélé le rapport annuel de l’Institut National de Veille Sanitaire. Les formidables progrès de la science et de la médecine, les avancées de la trithérapie ont eu pour effet de lever la vigilance de nombreuses personnes, des jeunes en particulier.

En France, c’est aujourd’hui encore plus de 6000 personnes qui sont contaminées chaque année. Près de 150.000 personnes sont séropositives et près de 40.000 à 50.000 personnes sont infectées par le virus sans le savoir et donc sans suivre de traitement. Ce fléau, s’il concerne tout le territoire national, s’exerce avec une gravité et une sévérité particulière dans les territoires ultramarins et les DOM dans leur ensemble comptent près de 10% des nouveaux cas dépistés avec une incidence particulièrement forte du virus chez les personnes hétérosexuelles. Sous mon exercice, un plan de lutte de grande envergure contre le VIH outre-mer a été mis en place. Les financements aident notamment les actions de terrain des associations, des programmes innovants pour la prévention et la recherche

La lutte contre le sida est un enjeu majeur pour la France et une vraie cause nationale. La lutte contre le VIH doit transcender les clivages politiques. Ce n’est pas une lutte idéologique. C’est une lutte pour la vie-même.
Des messages de prévention clairs doivent donc être diffusés qui portent une éthique de la responsabilité. Il ne s’agit pas d’employer un discours de la culpabilité infantilisant. Il convient de s’adresser à des sujets humains, plutôt que de viser des cibles ou des conduites anonymes. La diffusion de l’information à l’intention des publics, doit être vaste, mais toujours veiller à s’adresser spécifiquement à chaque individu, rappeler à tous, hommes et femmes, parents, adolescents, que leur santé est la leur, qu’ils en sont tout autant les dépositaires que les garants. Ainsi il est davantage possible de s’ attaquer, de plain-pied, aux comportements à risques .

Pour agir au mieux , il est également important que cette maladie qui reste encore taboue, voir indicible puisse sortir de la honte, de l’ignorance et de la suspicion dont elle est frappée, et ce particulièrement dans le territoires ultramarins. On connaît malheureusement, le lien ancestral dans les esprits , entre la maladie et le mal moral, entre la souffrance et la faute. Le travail de la civilisation doit non seulement permettre que le progrès scientifique enraye ce fléau, mais aussi que le progrès politique et moral ne rejette pas ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. Le combat doit être non seulement épidémiologique, mais également sociétal.
Il nous faut lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes séropositives, dans l’emploi, dans la vie quotidienne, et dans les mentalités en général. Il nous faut encore « dé-diaboliser » cette maladie. Pour améliorer l’intégration des personnes vivant avec le VIH, il faut continuer à favoriser les prises en charge précoces et continues ; améliorer les conditions d’hébergement et de logement. L’accès ou le maintien dans l’emploi et l’insertion professionnelle des personnes atteintes constituent également une priorité. Les associations partout doivent être mieux structurées.
Une formation suivie s’impose pour les assistants sociaux et tous les professionnels en charge d’un suivi social afin qu’ils puissent au mieux prendre en charge les personnes séropositives, mais également combattre le déni de la maladie, la stigmatisation et la marginalisation.

La jeunesse est une population particulièrement exposée au virus et il est important que celle-ci soit mieux éduquée à la santé, notamment au sein du monde scolaire pour faire progresser la connaissance ,pour aborder sans faux semblant, la maladie, les risques de transmission, mais également la question du respect de l’Autre, de l’orientation sexuelle et des discriminations qui sévissent avec une force particulière.

Lutter ensemble contre le sida, prendre soin des personnes touchées et empêcher que d’autres ne soient contaminées, c’est travailler à faire reculer la peur, les souffrances, les inégalités. C’est rendre notre société plus humaine, plus juste et plus solidaire. C’est l’exercice en acte de la fraternité.